roisième Rive

Troisième Rive
[2018-2024]







Il était une bête sauvage, dangereuse et imprévisible, capable de tout ravager sur son passage. D’une puissance impressionnante, serpentant sur toute la vallée avec ses méandres infinis, il était craint, respecté et empreint d’une aura mystique.

A l’époque de la batellerie jusqu’au milieu du XIXe siècle les mariniers du Rhône s’en remettaient à son humeur changeante pour le transport périlleux des marchandises dans des embarcations halées par des chevaux. Des croix religieuses étaient réalisées avec le bois ramassé sur les rives, ornées des instruments de la passion du Christ et dressées à la proue des barques pour protéger les équipages.

Si c’est un des fleuves les plus puissants d’Europe, il a été lourdement aménagé depuis le XIXe. La violence des mutations qu’il a dû subir font du Rhône un fleuve meurtri : endigué, façonné, corrigé, corseté pour dompter sa nature imprévisible et permettre le développement des villes dans son sillage. Court-circuité pour créer un canal artificiel parallèle exploité par des barrages, le « Vieux-Rhône » originel ne conserve aujourd’hui qu’un débit réservé faible. Il porte pourtant aujourd’hui des enjeux environnementaux au travers d’ambitieux projets de restauration avec la réouverture et la réhabilitation de ses lônes et de ses berges.

Au regard des aménagements construits au fil des décennies pour le rendre navigable et source d’énergie, l’empreinte utilitariste est encore profonde dans le paysage et les cicatrices persistantes. Près d’une vingtaine d’usines hydroélectriques exploitent sa puissance par le biais de nombreux barrages et les quatre centrales nucléaires qui le bordent y rejettent leurs eaux de refroidissement, bousculant l’équilibre du milieu aquatique. Comme indices de cette exploitation, témoignent les nombreuses architectures et dispositifs utilitaires qui se sont greffés insidieusement jusqu’à parfois ne faire qu’un avec le paysage.

Cette série propose un parcours d’errance sur les rives de ce cours d’eau mis au service de la Nation et explore les symboles et les questions soulevés par sa confrontation avec l’habitat de l’Homme. Le titre Troisième Rive fait écho à un univers parallèle, une impression de mystère qui peut se dégager de ces images qui semblent poser les bases d’un théâtre muet, dont la présence humaine n’est matérialisée que par des traces. Un théâtre où chaque scène suggérerait les prémices d’un récit, l’ébauche d’un nouveau chapitre faisant émerger de ces lieux contraints une nouvelle forme de naturalité.